Kaporal en liquidation : la marque n’a pas survécu
"Fermeture définitive. Le site ferme définitivement ses portes. Merci pour votre confiance et votre soutien. À bientôt, ici ou ailleurs !"
La sentence est tombée le 27 mars dernier. Sobre. Tranchante. Définitive. Kaporal, l’un des derniers bastions marseillais du denim, est placé en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité. Dix-huit mois seulement après sa reprise par une équipe interne déterminée à redonner du souffle à l’icône du jean à la française.
Une marque ancrée dans le sud, mais emportée par la tempête
Née à Marseille en 2004, Kaporal a longtemps incarné cette mode populaire et méditerranéenne, à mi-chemin entre esprit rebelle et tendances accessibles. Après des années de croissance portée par l’engouement autour du denim, la marque a commencé à vaciller, prise en étau entre la montée des géants de la fast fashion, l’essor du marché de seconde main, et un consommateur en quête de sens… et de prix.
En 2023, déjà affaiblie, Kaporal est placée en redressement judiciaire. Un trio de cadres issus de l’interne décide alors de tenter le tout pour le tout. Leur ambition : sauver l’essence de la marque, en recentrant son offre autour du denim, en réduisant la voilure – 78 magasins sur 85, 395 employés sur 434 – et en injectant une nouvelle énergie créative. KPLR, une ligne pensée pour séduire la Gen Z, voit le jour. Kaporal fait son retour dans les salons professionnels. L’espoir renaît.
Mais il sera de courte durée.
Une reprise courageuse, un contexte impitoyable
Dans une lettre transmise aux médias spécialisés, la direction témoigne d’une mobilisation sans faille de ses équipes : repositionnement produit, collaborations audacieuses, renforcement de l'identité locale et modernisation de l'offre. Tous les ingrédients semblaient réunis pour un redémarrage.
Mais la réalité économique est venue couper court à l'élan.
Le marché du prêt-à-porter neuf en France s’effondre doucement mais sûrement, concurrencé par la seconde main, la location, et l’ultra fast fashion en ligne. Kaporal visait un chiffre d’affaires ambitieux de 60 millions d’euros, avec une croissance annuelle à deux chiffres. Un objectif devenu irréaliste dans un contexte de consommation sous tension, où chaque euro est compté, et chaque marque challengée sur ses valeurs autant que sur ses prix.
La fin d’une époque, ou un nouveau départ possible ?
Kaporal ferme donc ses portes. 280 salariés sont concernés. Des partenaires, des fournisseurs, des clients fidèles aussi. Derrière la froideur d’une procédure judiciaire, ce sont des histoires humaines qui s’interrompent. Et un pan entier du patrimoine mode marseillais qui vacille.
Le nom Kaporal sera-t-il repris ? Rien n’est encore sûr. En 2023, plusieurs acteurs – dont Laurent Emsellem, fondateur de la marque, ou Le Temps des Cerises – avaient manifesté leur intérêt. D’autres comme Noz ou Guerrida lorgnaient les stocks. Reste à savoir si quelqu’un osera reprendre la flamme, ou si le rideau est tombé pour de bon.
Kaporal, un symbole d’un modèle à bout de souffle
Plus qu’un simple fait divers économique, la fin de Kaporal incarne un tournant pour l’industrie française du prêt-à-porter. Elle interroge : comment maintenir une marque patrimoniale à flot face aux mutations radicales du secteur ? Comment rester désirable tout en étant responsable, abordable, et rentable ?
Kaporal a tenté, sincèrement. Elle a échoué. Mais son histoire, elle, reste gravée. Comme un rappel que la mode, comme toute industrie créative, ne pardonne ni les retards ni les faux pas.